Une maman différente mais une maman quand même

Par Amélie Guerin 29 Oct 2021
Une maman différente mais une maman quand même

Une maman différente mais une maman quand même 

 

Certains me connaissent et me suivent, d’autre non. Je suis Amélie et je suis l’heureuse maman de 3 enfants. Jusque-là, vous me direz “rien d’anormal” ! A la seule différence près que je suis en maman en fauteuil roulant à cause d’une maladie que je traîne (des fois, c’est elle qui me traîne) depuis l’enfance. 

Cette particularité m’a présenté quelques difficultés et c’est pour cela qu’aujourd’hui je vous écris cet article. 

 

La grossesse, un ressenti hors du commun 

Une des particularités de ma maladie réside dans le fait que mes tissus sont hyperlaxes et que je ressens absolument tout ce qui se passe dans mon corps.

Pourquoi je vous dis cela ? Parce qu’avec mon cher et tendre, nous avons un peu galéré pour devenir parents.

Après des années d’essais infructueux, s’est posée la question de l’infertilité et sans trop grande surprise c’était encore mon corps qui nous jouait un tour. Mes trompes s’étant collées et donc ligaturées elles-mêmes, les chances de faire rencontrer ovocyte et spermatozoïdes étaient quasi nulles (avec 0,01 % de chance). S’en est suivi un long parcours de fécondation in vitro (FIV) qui finira par me donner la chance d’accueillir un merveilleux embryon très vif et costaud qui s’est délicatement installé pour une location interne de plusieurs mois. Délicatement, c’est un bien grand mot ! J’ai bien senti quand il avait rafraichi mon intérieur, j'ai bien senti aussi quand il avait refait les murs et creusé son nid douillet. J’ai tout senti, je savais qu’il était là et je savais qu’il voulait rester avec moi. Tout se serait bien passé, je serais passée outre les douleurs dues à ses travaux d’aménagement, si mon corps n’avait pas jugé ce locataire trop invasif et n’avait pas essayé de l’expulser prématurément. Après de longs mois d’alitement, de précautions extrêmes, d’hospitalisation, mon corps a finalement eu gain de cause et le cœur de mon petit bébé a fini par flancher. Heureusement que j’étais déjà à la maternité et que l’équipe a pu être réactive. Seulement, l’anesthésiste ayant lu un jour que la péridurale m'était déconseillée, ni une ni deux, ce petit bébé est né alors que je dormais profondément.

Je me souviens encore de ces douleurs atroces en me réveillant de l’anesthésie : la douleur physique transcendante qui m’a envahie en un quart de seconde et la douleur psychologique de ne pas savoir si mon bébé allait bien ou pas. 

Les premiers instants en tant que mère. 

Il aura fallu 15 jours d’hospitalisation pour retrouver un minimum de mobilité, mon corps ayant décompensé de la lutte qui aura duré 7 mois. La rencontre avec mon fils aura été remise à 20h après sa naissance et bien qu’il fût sondé (la sonde gastrique le nourrit directement dans son estomac), le personnel de néonat avait jugé urgent de lui donner un biberon malgré mon absence. Les soins étaient plus compliqués, aucune chambre de néonat n’étant prévue pour des parents différents : que ce soit en fauteuil ou de petite taille ou même sourd ou aveugle, mais nous avons su nous adapter pour que je sois aussi présente que possible. “Par contre, nous allons lui donner son premier bain, c’est plus sécurisé !” Encore une première fois qui m’était retirée. Ce fut tellement de premières fois manquées que j’ai failli me dire que c’était comme cela et que ce serait ma norme. 

Mais non ! C'est moi la mère, roulettes ou pas ; c’est MOI ! 

Avec un mari bricoleur (qui d’ailleurs est maintenant menuisier et construit des meubles pour les chambres d’enfants dont les parents sont en fauteuil roulant), nous avions refait toute la chambre de bébé avec des hauteurs et des largeurs adaptées et des ouvertures pratiques pour s’assurer de manipuler bébé en toute sécurité. 

Puis vient la bronchiolite et l’hospitalisation. Quoi ? Une maman en fauteuil roulant ? Mais nos chambres, nos sanitaires, notre salle de repos, ne sont pas adaptées. A croire que j’étais la première maman au monde à être en fauteuil roulant ! Cette gêne et ce défaut d’accueil adapté, je l’ai revécu de nombreuses fois avec ma fille, mon deuxième enfant, qui a beaucoup été hospitalisée petite, ayant elle-même une maladie hémolytique. 

La vie de parents pas comme sur des roulettes... 

Entre les personnes qui ont peur que je fasse tomber bébé et les personnes qui au contraire ne voient pas le problème de me bousculer, pas facile de trouver un équilibre. 

J’ai repris le travail au 5 mois de mon fils et là s’est présenté à nous une difficulté à laquelle nous n’avions absolument pas pensé : trouver une assistante maternelle mais... accessible ! Mais quel calvaire ! Et pourtant nous étions dans une ville où l’offre était plus importante que la demande. Il est, bien évident, conseillé aux parents de choisir leur assistante maternelle selon leur feeling et les critères qui leur semblent important. Et bien nous, nous avions choisi selon... l’accessibilité, ce qui nous a valu une belle déconvenue au départ. Quand la crèche est complète, pas le choix que de prendre une nounou accessible. Bref, je vous épargne l’histoire qui a vite été abrégée mais entre-temps une place chez une autre assistante maternelle s’est libérée et la seconde fût la bonne !  

Quand nous avons déménagé, pour notre deuxième, je n’ai pas réussi à trouver d’assistante maternelle accessible et disponible et bienveillante. Heureusement quelques heures de place de crèche se sont libérées mais pas suffisamment pour l’accueillir comme j’avais besoin quand j’attendais notre troisième (car oui, mon corps a voulu expulser les 3 prématurément et il a fini par gagner à chaque fois). 

Parents à roulettes et collectivités publiques 

Quand mon fils est entré à l’école, branle-bas de combat : l’école n’était pas accessible mais l’entrée était éventuellement possible par l’entrée de service. Tout problème à une solution. Par contre, cela nous a valu le dédain de certains parents qui auraient voulu passer par la même entrée et éviter de marcher 700 mètres de plus.  

Dans mon article sur le mythe de l’enfant parfait, je vous ai raconté, dans les grandes lignes, la difficulté des années en maternelle pour mon fils. Le plus difficile, était de ne pas réussir à avoir ce vrai repère que peut être maman (moi) le soir à la sortie de l’école. Les adultes de l’établissement agissant en mon nom mais sans mon accord et souvent à l’inverse de mes principes, c’est difficile pour un enfant de comprendre et dur pour une maman de faire respecter son rôle. Jamais je n’ai vu un autre enfant être préparé en urgence par l’enseignante ou le directeur “parce que maman arrive et c’est difficile pour elle” ! Alors non, ce n’est pas difficile pour moi car mon fils sait mettre son manteau et ses chaussures seul. Ce qui est difficile pour moi ce qu’on se permette de présumer de la difficulté ou alors de me laisser penser que nous prenons trop de temps voire trop de place. Si j'ai besoin d'aide, je suis adulte et avec mes facultés cognitives assez développées, je peux demander !

Dans une autre école, faute de place de parking accessible, j’ai descendu ma plateforme élévatrice qui me permet d’entrer et sortir de ma voiture, sur la route, ce qui m’a valu de me la faire emboutir par un autre parent d’élève qui ne faisait pas attention que j’étais sur la route. Quelques semaines plus tard, la commune a fait installer une place pour personnes handicapées... à 300 mètres de l’entrée de l’école, en haut d’une côte !!! 

Avec les années, mon caractère s’est forgé en tant que maman exceptionnelle (à exception donc exceptionnelle CQFD), et aujourd’hui j’arrive à faire valoir mes droits et ceux de mes enfants. C’est aussi pour cela que quand je me suis installée en tant que consultante en parentalité, je me suis empressée de me spécialiser en handiparentalité. 

Une bataille plus que légitime 

Aujourd’hui être une maman en fauteuil est toujours quelque chose de délicat. Soit les personnes me voient comme une super héroïne (que je ne suis pas) soit comme quelqu’un de complètement inconsciente (que je ne suis pas non plus). 

Je fais de la reconnaissance de l’handiparentalité, comme une parentalité comme les autres, avec ses ajustements, mon cheval de bataille. Je travaille dans l’intérêt de toutes les mamans en situation de handicap pour que nous puissions nous occuper de nos enfants comme les autres mamans. 

Alors non, je ne vais pas aux champignons avec mes enfants. Et oui, ça m’attriste toujours (parce qu’en plus j’adore les champignons) mais je m’adapte et j’ai adopté un fauteuil électrique qui me permet de faire de longues randonnées avec eux mais toujours sur les chemins balisés. Non, je ne peux pas les emmener à la patinoire mais je peux continuer de me promener avec eux bien qu’ils soient tous les 3 fatigués et qu’ils préfèrent s’empiler sur le fauteuil électrique au lieu de marcher. 

Et les enfants dans tout cela ? 

Je ne sais pas comment ils vivent la différence mais pour eux c’est normal puisqu’ils ne m'ont jamais connu autrement. Ma fille me dessine debout et ne s’en rend même pas compte. Les enfants savent pertinemment que s’ils veulent que je puisse être réactive dans la maison, il faut que les jouets soient ranger après utilisation. Toute chambre en bazar au sol ne me permet pas de les coucher ou de lire des histoires calmement sur le lit. Ce sont des ajustements automatiques dont ils ont pris l’habitude par eux-mêmes. Enfin, je laisserai mon grand vous raconter tout cela dans un prochain article à 4 mains...