Conflits de fratrie: trois pièges à éviter et une règle d’or à adopter

Par Isabelle Gattlen 17 Nov 2021
Conflits de fratrie: trois pièges à éviter et une règle d’or à adopter

La calamité n°1 des parents de multiples & fratries

Cette calamité, ce sont les fameuses disputes. Les enfants vont générer conflits, bagarres, cris, et hurlements, à la place de jouer tranquillement, paisiblement et harmonieusement ensemble comme nous – leurs parents – le souhaiterions.

Mon objectif est de vous rendre attentifs aux 3 pièges les plus courants dans lesquels les parents tombent immanquablement. Je connais très bien la problématique puisque j’ai moi-même des jumeaux : je suis tombée dans ces pièges pendant un certain temps mais maintenant ce n’est plus le cas.

La 1ère chose à vous rappeler : ce n’est pas une fatalité ! Sachez qu’il est possible de s’en sortir même si vous êtes tombé dans les pièges que nous allons aborder par la suite. Parfois, lorsque je donne des voies à suivre pour être plus heureux en tant que papa ou maman, ça peut paraitre trop simple. Et pourtant, vous avez certainement remarqué qu’il y a une grosse différence entre simple et facile. Vous allez peut-être avoir l’impression que ce que je vais vous dire est évident mais je suis persuadée qu’en même temps, vous allez vous rendre compte que ce n’est pas forcément facile.

Attention, certaines des choses que je vais vous dire vont peut-être vous « piquer ». Vous savez comme le désinfectant qu’on met à un enfant lorsqu’il s’est égratigné…ça pique un peu !

1er PIÈGE : AVOIR DES ATTENTES IRREALISTES

Cela est particulièrement le cas lorsqu’on a des enfants avec un écart d’âge rapproché, on se dit « c’est génial, ils pourront jouer ensemble ! ». On a cette idée que les enfants vont être contents de jouer ensemble.

En réalité, en pensant ainsi, on projette sur eux notre envie qui n’est pas forcément la leur. D’autant plus qu’en tant que parents, nous avons nos idéaux, nos attentes et notre caractère, mais on ne choisit pas le caractère de nos enfants. Il se peut que vous soyez d’un tempérament introverti et a contrario vos enfants auront quant à eux un caractère très dynamique. Il arrive aussi qu’entre 2 garçons, il y ait plus de violence physique. Cette réalité vient nous heurter de plein fouet.

On peut également avoir des attentes qui sont liées à la manière de résoudre les conflits. Je ne prône pas la violence, ni pour résoudre les conflits entre frères et sœurs, ni pour résoudre les conflits que nous pourrions avoir avec notre progéniture. Il est certain qu’en tant qu’adultes nous avons pour la majorité cette idée qu’on devrait pouvoir discuter au lieu de se taper. La violence ne résout rien, c’est un fait que je partage.

Néanmoins, tout cela est le fruit d’une réflexion, d’un apprentissage, d’expériences et surtout le fruit d’un cerveau adulte ! Nos enfants ne sont absolument pas là-dedans. Alors attendre d’un enfant de moins de 10 ans qu’il règle ses conflits sans bagarres voire même qu’il ne vive pas de conflits, c’est perdu d’avance.

Alors, où est le problème?

Le problème ne se situe pas dans ce que nous vivons ou dans ce que nos enfants vivent lors de ces conflits inévitables mais bien dans le choc entre nos attentes et la réalité. Je pense que lorsqu’on devient parent, nous avons beaucoup d’idéaux, de principes et on se rend finalement compte que ces idéaux sont bien éloignés de la réalité. Alors pour faire coller nos principes avec cette réalité que vivent nos enfants, il va falloir combler le gap. Et pour cela, il faut se renseigner sur les capacités réelles des enfants selon leur âge et sur les manières de leur apprendre à régler leur conflit.

Mais attendre que ses enfants jouent ensemble en harmonie à la place de se disputer, ça n’existe pas. Le problème est du côté de l’attente, un peu comme les saisons : les conflits entre frères et sœurs sont tout aussi prévisibles et normaux qu’après l’été arrive l’automne puis l’hiver.

Notre rôle en tant que parent n’est pas d’essayer de faire coïncider, par la force, la réalité des enfants avec notre attente idéale mais de gérer ces conflits au fur et à mesure qu’ils se présentent. On ne va pas pouvoir les faire disparaitre mais on peut les gérer, tout comme on ne peut pas faire disparaitre l’hiver parce qu’on n’aime pas le froid mais on peut vivre un hiver agréable si on se prépare et s’équipe bien.

Le 1er piège est donc d’avoir des attentes irréalistes, et en tant que parents nous en avons beaucoup ! L’une d’entre elles étant que nos enfants ne se disputent pas.

2ème PIÈGE : PRENDRE LA POSTURE DE JUGE OU D’ARBITRE

Celui-ci est peut-être encore plus tentant que le 1er piège et particulièrement lorsqu’il y a un écart d’âge ou dans le cas de jumeaux fille/garçon.

Quand nos enfants se disputent, on a l’idée qu’il faut protéger le plus jeune ou la fille. Dans mon cas, lorsque mes enfants étaient plus jeunes et se disputaient, mon mari avait tendance à avoir cet aspect quelque peu protecteur vis-à-vis de sa fille. Il faut savoir que nos enfants ont plus de force qu’on ne pourrait l’imaginer, que ce soit envers les ainés de la fratrie pour les plus jeunes ou envers leurs frères pour les filles.

Ce qui peut se passer lorsque nos enfants se disputent, c’est qu’on se transforme soit en arbitre pour compter les points et mettre un carton jaune, soit en juge pour départager les combattants et dire qui a tort et qui a raison. Si vous êtes là-dedans, vous êtes en train de vous créer des conflits ultérieurs car l’enfant à qui on a porté les torts, à qui on dit qu’il avait mal fait, qu’il s’était mal comporté et à qui on demande de s’excuser (ce qui ne veut pas dire qu’un enfant ne doit pas s’excuser parfois) va perdre la face et garder du ressentiment. Et une personne qui a du ressentiment, va forcément le faire ressortir à un moment donné.

Aussi, cette situation où vous prenez parti va créer le lit des conflits futurs dans lesquels vous devrez à nouveau intervenir. Devenir « juge » est donc une solution à court terme uniquement, d’autant plus que cela rend les enfants dépendant de vous pour attribuer les bons points et les mauvais points.

"On a le choix dans notre envie entre être heureux et avoir raison"

Pensez à cette phrase de Marshall Rosenberg (auteur du livre la communication non violente au quotidien) : « On a le choix dans notre vie entre être heureux ou avoir raison ». C’est exactement ce que je vous invite à cultiver et à enseigner à vos enfants : être heureux en gardant en tête cette relation.

Je suis persuadée que cela vous arrivera encore car c’est normal, c’est une tendance assez naturelle de vouloir demander qui a commencé et qui a fait quoi pour départager les concurrents et établir les torts de chacun, un peu comme lorsqu’on dresse un constat de police. Mais lorsqu’on agit ainsi sur le plan familial, on ne se facilite pas la vie pour assainir l’ambiance et faire en sorte qu’il y ait moins de conflits, bien au contraire.

D’ailleurs si certains d’entre vous travaillent dans la justice ou dans la police, vous constatez peut-être que les personnes qui ont purgé une peine de prison, car ils se sont mal comportés, y retournent souvent par la suite. Comme quoi le jugement et la punition ont des limites assez claires sur tous les plans, encore plus avec les enfants.

3ème PIÈGE : ATTENDRE DES RESULTATS IMMEDIATS

Ce dernier piège n’est pas seulement valable pour les conflits, c’est de penser que ce qu’on fait ne fonctionne pas car ça ne fonctionne pas tout de suite.

C’est aussi dans ce cas qu’on peut être tenté d’employer la manière forte avec les enfants lorsqu’ils se disputent. Par exemple quand l’un de vos enfants tape l’un de ses frères ou sœurs, notre sens de la justice est heurté et notre instinct protecteur se réveille. Alors on pourrait avoir la tentation de lui faire pareil pour qu’il comprenne. Certes, il va s’arrêter, mais lorsqu’on utilise la manière forte, on ne peut récolter que des résultats à court terme et ce ne sont pas ceux que nous voulons. En effet, nous souhaitons faire réfléchir nos enfants, qu’ils apprennent à se retenir pour les bonnes raisons.

Quand on utilise la manière forte ça peut être efficace car l’enfant est figé, son instinct de survie se mettant en route. Comprendre ce qui se passe dans le cerveau de nos enfants est une clé incontournable pour que notre éducation porte les fruits des graines que nous voulons véritablement planter. 

Le 3ème piège est donc de penser que ce qu’on fait ne marche pas car les effets ne sont pas immédiats et donc de viser un résultat à court terme. Or, je le répète, l’éducation des enfants c’est sur le long terme, et même si on regarde bien, au-delà de l’éducation, la parentalité c’est pour toute votre vie. Alors quand vous avez un conflit entre vos enfants, qui vous casse les pieds et que vous visez un résultat, là, maintenant, tout de suite, vous partez perdant.

L’éducation c’est jusqu’à 18 ans et la parentalité c’est jusqu’à votre mort. Ça va encore plus loin, puisque la relation frère et sœur, elle durera toute leur vie, c’est donc encore au-delà de ce que vous pourrez voir.

LA REGLE D’OR A SUIVRE POUR MINIMISER LE PROBLEME DES CONFLITS DE FRATRIE

La manière dont vous gérez les conflits aujourd’hui peut permettre une belle entente ultérieure toute leur vie à vos enfants. Au contraire, par exemple lorsque vous prenez une position de juge, vous éteignez le conflit immédiatement mais vous n’êtes pas en train d’aider vos enfants à apprendre à cultiver une belle relation et vous n’êtes pas non plus en train de les aider à apprendre, traiter, résoudre, gérer et traverser leurs conflits sans violence.

Il est donc nécessaire de prendre conscience de cet espace temporel dans lequel vos actions éducatives doivent être efficaces. Vous travaillez pour l’avenir.

Si vous arrivez à remarquer lorsque vous tombez dans l’un de ces trois pièges c’est déjà génial et ça va ouvrir la porte à autre chose, à une autre manière de faire. Car quand on entre dans nos automatismes, on remplit le vide et on ne laisse pas l’espace pour quelque chose de nouveau, pour une nouvelle manière d’agir. Implémenter une nouvelle manière de faire demande du temps et de l’entrainement. Vous devez d’abord arrêter de tomber dans ces pièges.

Enfin, ne le prenez pas personnellement : vos enfants se disputent car ils ne savent pas encore faire autrement. Vous allez les aider à apprendre, à se rendre compte que oui on peut tout à fait gérer ses conflits sans se taper dessus, sans s’énerver. Cela demande un apprentissage et le fait qu’actuellement ils ne sachent pas encore le faire ne veut pas dire que vous avez fait faux, ou que vos enfants sont pires que ceux des autres, ce sont simplement des enfants.

La règle d’or est donc de changer votre regard quand survient une dispute entre vos enfants : à la place de partir dans les pièges et les automatismes, dites-vous « mes enfants vivent une difficulté, ça m’ennuie mais comment pourrais-je les aider ». Vous verrez ça n’a l’air de rien mais, comme je le disais plus haut, lorsque vous avez cet espace de réflexion, alors un nouveau champ des possibles s’ouvre pour vous.