PARENT... ET EN COUPLE AUSSI ! Episode 5 : Comprendre le lien d’attachement dans le couple

Par Merci De Supprimer Mon Profil ... 29 Oct 2021
PARENT... ET EN COUPLE AUSSI ! Episode 5 : Comprendre le lien d’attachement dans le couple

Et oui, je ne pouvais décemment pas poursuivre cette série d’articles sur le couple sans parler d’attachement… Alors… Comment toute cette histoire commence ?

Au départ, il y a deux personnes, qui s’aiment, qui décident de former un couple, qui s’installent ensemble, se présentent à leurs amis, leurs familles d’origine… et qui se disent « Tiens, vu que le modèle quand est en couple, c’est de faire des enfants, et si nous aussi, nous en faisions un ? ». Jusque-là tout va bien. C’est ce qui se passe, après qui se corse… quand on passe de 2 à 3… de 3 à 4…

Mais en réalité, l’histoire a commencé bien avant la naissance du bébé de ce couple. Elle a commencé à la naissance de chaque membre du couple. Pour comprendre un aspect fondamental du couple, je vous propose une première escale où nous allons revisiter la théorie de l’attachement

Pour John BOWLBY, “L’attachement est un instinct conduisant tout au long de la vie à avoir besoin d’être écouté, entendu, compris et soutenu par une ou plusieurs personnes considérées comme proches.” J’aime beaucoup cette définition, à la fois parce qu’elle est simple et compréhensible, et à la fois parce qu’elle dit quasiment tout sur le couple ! En effet, quels sont les reproches que nous entendons perpétuellement entre partenaires ? « Tu ne m’écoutes pas », « Je ne suis pas entendu-e », « Je suis incompris-e », « Tu ne me soutiens pas » ! Tiens, tiens...

La théorie de l’attachement explique les fondements de beaucoup des comportements de nos enfants ET de nos partenaires !

Elle est établie scientifiquement, par une multitude d’études partout dans le monde. En France, elle est peu connue, car c’est la théorie infantile des pulsions issue de la psychanalyse qui a prévalue et qui prévaut encore.

Le bébé a besoin de la relation pour exister. John BOWLBY a démontré que lorsque les besoins d’attachement sont satisfaits, l’enfant peut s’éloigner en sécurité pour explorer. Ce lien d’attachement, une fois intériorisé, servira de modèle aux relations amoureuses et sociales futures.

Nous savons que les figures d’attachement sont les adultes qui élèvent et qui donnent les soins à l’enfant. Dans le couple, mon partenaire va devenir ma figure d’attachement principale. En situation de détresse, l’enfant a besoin que sa figure d’attachement lui donne du care-giving, s’occupe de lui. Il a besoin de l’adulte pour se calmer, et c’est ainsi qu’il apprendra petit à petit à les réguler. Si l’adulte ne répond pas lorsqu’il se trouve en situation de détresse, alors le bébé adoptera des stratégies adaptatives.

Pour l’adulte en couple… c’est pareil ! Si mon partenaire ne répond pas à ma détresse, je vais adopter des stratégies adaptatives. Parce que j’ai besoin d’être en lien avec ma figure d’attachement, ma base de sécurité, mon ou ma partenaire. On sait aujourd’hui que l’attachement a un impact à long terme dans la vie et dans le couple.

Marc PISTORIO est psychologue, médiateur, Docteur en psychologie clinique et membre de l’Ordre des psychologues du Québec depuis 1990. Sa thèse de doctorat s’est attachée à étudier l’impact de l’attachement de l’enfant dans ses choix amoureux futurs. Il s’appuie sur des études récentes montrant que l'attachement amoureux se construit dès la plus tendre enfance.

Cela commence dans le rapport affectif avec les parents et cela se perpétue à l'âge adulte dans la relation de couple. La qualité de ce lien est donc cruciale.  S'il a été sécurisant, les relations amoureuses seront équilibrées. S'il a été insécurisant, on ressentira de l'anxiété ou on cherchera à éviter l'intimité relationnelle.

Très vite le nouveau-né ressent, à partir de ses sensations et dans son corps, comment on l’aime. 

Le corps dit les émotions avant que la tête les comprenne. Le style d’attachement développé dans la très jeune enfance avec les figures d’attachement a un lien avec les choix ultérieurs de partenaires amoureux… 15, 20, 32 ans plus tard !

Un enfant apprend à s’ajuster en miroir aux états émotionnels de ses parents : à partir de ce qu’il capte et décode en les observant, il se synchronise immédiatement avec l’état de calme ou de stress de ses parents. En cas de menace ou malaise, l’enfant active son système d’attachement. Si le parent est incapable de protéger ou rassurer, ce système se dérègle et l’enfant tentera de se protéger grâce à une stratégie rigide et systématique :

- Soit en désactivant son système d’attachement en toutes circonstances, (je reste distant = attachement évitant) 

- Soit en activant son système d’attachement en permanence (je colle = attachement anxieux ambivalent)                                          

La relation amoureuse est un processus d’attachement qui se développe entre deux partenaires où chacun devient la figure principale d’attachement de l’autre.

Je vous propose de répondre à un test qui a été publié dans un journal du Colorado en 1985, « The Rocky Mountain News ». Le journal a repris le travail de 2 psychologues de l’université de Denver, Cindy Hazan et Philip Shaver. Leur questionnaire demandait au lecteur d’identifier laquelle de ces 3 déclarations reflétait le plus comment ils se percevaient dans leurs relations amoureuses :

A : Je trouve cela relativement simple de me rapprocher de quelqu'un. Je suis à l’aise pour dépendre d'un partenaire et qu'il dépende de moi. Je ne m’inquiète pas d’être abandonné, ou que mon partenaire soit trop proche de moi.

B : Je trouve que mes partenaires sont réticents à se rapprocher autant que je le voudrais. Je m’inquiète souvent qu'on ne m’aime pas vraiment, ou qu'on ne voudrait pas rester avec moi.

C : Etre proche me rend un peu mal à l'aise. Je trouve cela difficile de faire confiance complètement. Je trouve difficile de m’autoriser à dépendre d'une personne. Je suis nerveux quand quelqu’un devient trop proche. Souvent, on veut que je sois plus intime que je ne me sens.

Notez votre type d’attachement en couple :

A : SECURE : Si vous aimez la proximité relationnelle et l’intimité et que ce n’est pas associé à un quelconque sentiment de menace, vous avez un attachement sécure            

B : INSECURE ANXIEUX : Si vous recherchez la proximité relationnelle et l’intimité mais que vous êtes doté d’une sorte de radar qui vous fait ressentir que vous allez être abandonné, vous avez un attachement anxieux

C : INSECURE EVITANT : Si vous n’appréciez la proximité relationnelle et l’intimité qu’à petite dose et que vous avez rapidement besoin de prendre des distances, vous avez un attachement évitant

D : INSECURE DESORGANISE : Si c’est un mélange des 2 derniers, vous avez probablement un attachement désorganisé

Il peut être difficile de se reconnaître dans l’une de ces descriptions. Le style d’attachement se situe sur un continuum. L’objectif pour cet exercice est de dégager une tendance, un style d’attachement qui s’active dans votre couple actuel.

Ce qui va nous intéresser maintenant, c’est la manière dont les styles d’attachement vont se combiner dans les couples. Je vous propose de répondre au même questionnaire, mais cette fois en ce qui concerne votre partenaire. De la même manière, notez son style d’attachement dans le couple.

On va voir qu’il y a 6 combinaisons possibles :

1# 2 SECURES ensemble : Pas de surprise, c’est JACKPOT !

Cela ne signifie pas que tout OK, mais les difficultés trad de couple vont se résoudre sans aide extérieure la plupart du temps. Deux sécures n’éprouvent pas de difficulté à exprimer leurs besoins et à satisfaire ceux de leur partenaire.

2# 1 SECURE + 1 INSECURE

Marc PISTORIO montre que, en majorité, le sécure va « tirer vers le haut » l’insécure. Et pas l’inverse.

3# 2 ANXIEUX ensemble

Il s’agit d’une configuration que l’on reçoit souvent en thérapie de couple. Nous sommes dans une logique de Fusion-rejet. Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi. La combinaison fonctionne tant qu’on est fusionnels. Si un événement est vécu comme du rejet, c’est la crise ! Dans cette combinaison, les partenaires sont très anxieux vis à vis de la relation, ils ont sans cesse besoin de réassurance, sont insatiables et ont des attentes démesurées, ils sont extrêmement sensibles au rejet. Dans cette représentation de la relation, une grande énergie est consacrée à la recherche de proximité avec le partenaire.

4# 2 EVITANTS ensemble

Peu rencontrée en consultation de couple, cette configuration est en crise quand un élément extérieur vient perturber le statu quo de la distance (relation trans-conjugale, opportunité professionnelle…). Ce couplage peut être fonctionnel très longtemps. Chacun répond à merveille au besoin de distance de l’autre ! Ils paraissent calmes voire parfois un peu froids. Leur adage pourrait être : « Je te veux chez moi… mais pas dans ma chambre ! Sauf si je te le demande… » (Dr Stan Tatkin).

5# 1 ANXIEUX + 1 EVITANT

C’est LA configuration la plus fréquente en thérapie de couple. Le fameux adage « Suis-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis ». Tomber amoureux de quelqu’un d’une autre catégorie aggrave les insécurités. Les personnes évitantes se sentent mal à l’aise avec l’intimité et redoutent la « pression pour la connexion » jusqu’à parfois fuir leur partenaire, d’autant plus si celui-ci a un besoin de proximité exacerbé comme l’anxieux...

6# AVEC 1 DESORGANISE

Ce type d’attachement a été peu étudié dans les relations de couple. Les relations sont vécues avec une très forte intensité. Elles sont chaotiques et se réfèrent à des blessures relationnelles de l’enfance. Les relations amoureuses sont vécues comme des montagnes russes. Les adultes à l’attachement désorganisé peuvent avoir des comportements typiques des styles d’attachement anxieux et évitant de façon imprévisible, sans que cela ne puisse se rapporter à une stratégie facilement identifiable : un besoin très intense de proximité peut être suivi soudainement par une attitude de mise à distance radicale. L’entourage se sent souvent dépassé, avec une sensation de chaos. Un travail sur les traumatismes précoces est la plupart du temps nécessaire.

Mais pourquoi nous attirons-nous si nos attachements sont incompatibles ?

En se choisissant mutuellement, chacun va vérifier sa vision du monde, ses croyances. Avec le temps, lorsqu’un certain niveau d’intimité et de dépendance est atteint dans une relation, celle qui pensait qu’on allait prendre soin d’elle se sent abandonnée ; celui qui pensait échapper à l’oppression pour la connexion la retrouve avec force. Chacun s’est donc mis en couple avec une personne qui n’est pas vraiment à l’écoute et disponible pour satisfaire ses besoins, comme ce fut le cas dans les expériences relationnelles initiales de la toute petite enfance. On plonge dans un schéma de répétition, à l’insu de notre plein gré !

Que faire ? Voici ce que chacun pourrait dire de ce qu’il attend de l’autre…

  • Tenter de s’adapter à son style, de l’assouplir pour faire un pas vers l’autre
  • Comprendre qu’aucun des deux ne « fait exprès », ni n’agit de telle façon pour nuire à l’autre
  • Le thérapeute conjugal apprend au couple à traduire leur comportement en VF sous-titrée !
  • Et enfin, n’oublions pas de préciser que nous sommes 40 à 45% à avoir un attachement insécure.

Aujourd’hui, nous savons tout cela, de manière certaine ! Les recherches en neurosciences affectives ont validé de multiples fois la théorie de l’attachement, et ont montré que c’est bien au cœur de la relation amoureuse que notre style d’attachement se manifeste de la façon plus évidente à l’âge adulte.

En guise de conclusion, je partage la recette de l’amour, selon Marc PISTORIO :

1/ Faire le bilan de son histoire et identifier son propre style d’attachement. C’est le premier point, celui d’élever son champ de conscience (ça, c’est fait, vous venez de vous tester !)

2/ Expérimenter des nouveaux comportements, afin de créer de nouvelles pistes neuronales. L’idée, c’est de déconstruire les connexions établies dans la petite enfance. On peut développer de nouvelles réponses plus adaptées. C’est la plasticité cérébrale (voir épisode 4).